La destinée de Loussy

Dernière édition par le Dim 23 Sep 2007 - 15:09, édité 2 fois

Le baiser fatal de Sélayna

Une Magnifique journée de printemps, un soleil resplendissant, une gamine en train de jouer avec ses petits voisins dans les ruelles immaculées de la plus belle des cités. Tout respirait la joie de vivre, la normalité et l'insouciance. Mais comme dans toutes les histoires, on le sait très bien, ça ne dure pas. Ca ne pouvait pas durer.

Regardant le soleil se coucher, la jeune Eniripsa, toujours impeccablement apprêtée malgré les quatre cents coups faits avec ses amis, se dirigea vers la maison de sa grand mère.
Petite mais extraordinairement chaleureuse, cette humble demeure était tout ce qui avait bercé l'enfance tranquille de Loussy.

- Approche mon enfant.

La vieille dame tapota de la main le siège jaunit par les ans qui se trouvait à côté d'elle. Remettant sur ses genoux caïeux sa vielle couverture, elle regardait Loussy s'assoir à ses côtés.
Le silence s'éternisa ensuite. Loussy, peu habituée à voir sa grand mère aussi peu loquace et l'air si préoccupé n'osait prononcer un mot, ce qui est, on doit bien l'avouer, assez surprenant.
La vieille dame regardait maintenant par la fenêtre devant elle. Son regard semblait aller au delà des étoiles qui illuminaient la nuit maintenant venue. Comme si celles ci lui parlaient, ou lui révélaient un secret.

D'un geste maladroit mais assuré d'une volonté forte, la main fripée de la vieille dame se posa sur les genoux de sa petite fille. Le regard enfin lucide, elle s'adressa à la jeune adolescente.

- Lou, ma petite Lou. J'ai toujours essayé de te protéger. Je ne sais pas si c'était un bien ou un mal, j'ai toujours voulu que tu connaisses une enfance heureuse en te laissant dans l'ignorance de beaucoup de choses. De vieux souvenirs que les années n'ont su effacer de ma pauvre mémoire. Il est temps aujourd'hui que je te dévoile tout. Tu es encore insouciante mais le temps est venu, il faut que tu saches.

Son regard se tourna machinalement vers les constellations qui dessinaient un tableau presque mystique.

- Mais Nany …

- Ne m'interromps pas je t'en prie mon enfant. J'ai beaucoup de chose à te dire, peu de temps pour cela et … cela ne va pas être facile aussi bien pour toi que pour moi. Alors je t'en prie, écoute moi, sois sage et sois forte mon trésor.

Son souhait prononcé fut ponctué de profondes inspirations.

- Regarde la nuit Lou, regarde ces étoiles. Cette maison qui est plus vieille que moi a été conçue en fonction d'elles, pour qu'à travers cette fenêtre, ces constellations nous parlent. La constellation de Selayna est composée de sept étoiles et forme le dessin d'une lune. Cette constellation est la notre, celle de dizaines et de dizaines de générations de femmes depuis la création de notre cité, Bonta. L'étrange sourire qu'elle forme est plus sombre qu'il n'y parait. Depuis des siècles, elle est la messagère des présages touchant notre famille.
Il y a environ quinze ans, dans cette même maison, ma fille était alitée, prête à accoucher. Tes parents avaient leur propre maison bien à eux mais c'est toujours ici que les femmes de notre famille venaient pour mettre au monde notre descendance. Superstitions de bonnes femmes s'amusaient à dire pas mal de nos voisins, mais il en a toujours été ainsi depuis des siècles. Et malheureusement, les signes ne se sont jamais trompés.
Cette nuit là, le ciel était aussi dégagé que ce soir et Selayna, de son sourire mystérieux, tout comme ce soir, allait être embrassée par la lune. Deux bouches qui n'en forment plus qu'une pour nous annoncer notre destinée.

(à suivre...)

Soryophobe Nombre de messages : 472 Age : 46 Date d'inscription : 01/09/2006

Le baiser fatal de Sélayna (suite)

Nany émit une courte pause avant de reprendre son récit.

- Nous ne sommes que des pions à l'instar de ceux du grand échiquier d'Amakna.
Les antiques étoiles nous enseignent ce que tous les hommes auraient du apprendre : l'humilité de nos pauvres vies éphémères. Nous croyons pouvoir changer la face du monde, changer sa destinée dans une guerre qui dure mais qui au fond n'a jamais été vraiment la notre. De la faute des dieux ? nul ne peut le dire mais ce qu'il en résulte c'est que maintenant, des siècles sont passés depuis la création des deux cités ennemies, que les gens continuent de s'entretuer sans même savoir pourquoi. Notre famille a été parmi celles qui se sont le plus battu en croyant que notre cause est toujours meilleure que celle de nos ennemis. Elevées dans la haine de Rushu, dans la haine des brakmariens descendants pour la plupart d'antiques démons, dans la haine du mal, des mâles, emblèmes de cette cité démoniaque pour au final verser le sang d'hommes et de femmes pas si différents de nous. Voilà ce que nous sommes mon enfant, des femmes trompées, aveuglées par une soif de vengeance et de gloire. Et cette nuit là, il y a quinze ans, nous allions l'apprendre à nos dépends.
Cette nuit là, Lou, le premier cri d'un enfant perça la douceur de la nuit. Ton père ouvrit avec fracas la porte de la maison, s'engouffra tel le souffle D'Aerafal dans la chambre, s'empara de l'enfant emmitouflé dans son lange et l'emporta au loin avec lui. Nous fûmes tous en état de choc mais tes oncles, tantes, cousins, les voisins, partirent sur le champs, armés, à la poursuite de ton père pour retrouver l'enfant dérobé.

Loussy mourait d'envie depuis de longues minutes d'interrompre le récit de sa grand mère d'une multitudes de questions mais n'osait le faire, de peur que la fin du récit s'envole pour ne plus jamais reparaitre sur les lèvres ridées de la vieille Nany.

- Je ne sais que peu de choses de ce qui se passa ensuite car peu nombreux furent ceux qui revinrent pour nous le raconter et ils succombèrent malheureusement de leurs cruelles blessures peu d'heures après leur retour. Ils avaient suivi sa piste le long de la route de Bonta jusqu'aux landes de sidimote. D'après ce qui nous a été raconté, ce plan avait été depuis longue date programmé, car dans ces landes se cachait toute une troupe de brakmariens, les attendant afin de stopper leur course et de protéger la fuite de ton père. Ce fut un véritable massacre. Presque tout le monde périt, dans chaque camps.
Dès le lendemain matin, à l'aube, quelques bontariens accompagnés d'une troupe de gardes de bonta se dirigèrent vers le lieu du massacre afin de voir de leurs yeux ce qui s'était passé, de comprendre et de ramener nos morts. Parmi eux, se trouvait le cadavre de ton père, une flèche plantée dans le cœur. Mais de l'enfant qu'il avait dérobé, aucune trace.
Peu de temps après la fuite de ton père, ta mère gémissait toujours sur sa couche, serrant très fort ma main, laissant glisser sur son visage crispé les larmes de douleur morale et physique. Elle mit un deuxième enfant au monde : toi.

- Je ne suis pas fille unique Nany ? j'ai un frère ou une sœur ?

- Oui mon enfant. Plus exactement, tu as un frère enullune.

- Enullune ? c'est quoi ?

- Des enfants jumeaux nés sous le baiser de la lune et de sa jumelle Sélayna.

- Et vous l'avez retrouvé ? il vit toujours ?

(à suivre...)

Soryophobe Nombre de messages : 472 Age : 46 Date d'inscription : 01/09/2006

Le baiser fatal de Sélayna (suite)

L'astre lunaire continuait sa course dans le ciel étoilé, s'approchant inéluctablement de Sélayna. Conjonction de deux bouches lumineuses, la même qui quinze ans plus tôt annonçait la naissance d'enfants jumeaux qui allaient comme ces astres se séparer de nouveau et passer des années à se chercher pour ne se retrouver que pour un bref instant.

- Nany ? Il ... il est encore en vie ? Tu l'as revu depuis sa naissance, tu as eu de ses nouvelles ?

- Je ne sais que te répondre. Il a été enlevé ce soir-là pour être conduit à Brakmar. Elevé dans la cité sombre ? c'est très probable car même si votre père a péri, ton frère était attendu dans la cité ennemie, l'embuscade de Sidimote nous le prouve. Tout porte à croire que ton frère a survécu à cette nuit tragique.

Loussy continua d'inonder sa grand-mère de questions auxquelles elle n'avait aucune réponse. Les questions devenaient de plus en plus pressantes et la voix qui y répondait, de plus en plus chevrotante.
Chaque grain de sable qui s'écoulait dans le grand Sablier de Xelor laissait sur le visage fatigué de la vieille Dame son empreinte.

- Nany ? Tu n'as pas l'air d'aller bien. Souhaite tu que je te prépare une infusion de menthe sauvage ?

D'un revers de main elle éluda la question comme s'il s'était agit d'une question enfantine sans aucune sorte d'importance. Se raclant fébrilement la gorge, Nany se retourna vers sa jeune protégée, avec des gestes si lents qu'on aurait cru à un ralenti, comme pour imprimer à jamais ce moment dans la mémoire de Loussy. Son regard toujours lucide, presque extralucide, dénotait avec l'apparence fragile et usée d'une femme qui a vécu son temps.

- Sois attentive. Ecoute ce que les astres et les rêves ont à t'enseigner.
Prends garde ! L'heure est venue pour moi.

Le silence emplit la nuit, le satellite d'argent embrassa la constellation de Sélayna, tel un baiser ... un baiser fatal.

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