Lorsqu'on croise les croassement d'un bwak avec les mugissements d'un trool, on obtient une musique que les amaknéens appellent le bwak'n'trool. Et si l'on greffe dessus les accords d'une harpe en pierre de craqueleur, on appelle ça du harp'rok.
Je m'en vais vous conter l'histoire du plus grand bwak'n'trooler de tous les temps, du champion incontesté du harp'rok : Ussam d'Yssoire.
Ussam naquit un peu au nord de Bonta, dans une banlieue assez BCBG, pour ne pas dire assez coincée du derrière. Les parents d'Ussam adoraient la musique, la VRAIE musique, genre Francis Kabroule ou Pratick Cruelle avec des textes en bon amaknéen et de fins assaisonnements de guitares sèches (remarquez, une guitare plongée dans l'eau est injouable dans tous les cas, ne tentez même pas l'expérience). Ussam lui se foutait totalement de la musique : il s'ennuyait ferme dans sa banlieue coincée et rêvait d'aventures.
Ussam était Enutrof, et comme nombre de ses semblables, il avait un don inné pour trouver de l'argent. Ce don, chez lui, était d'autant plus vital qu'il y voyait la porte de sortie à son mortel ennui. Son père, Jépah d'Yssoire, a raconté qu'un jour, Ussam disparut et qu'il ne donna plus signe de vie durant dix ans. Ce fut certainement durant ces dix années "sombres" qu'Ussam découvrit l'attrait de la musique et qu'il devint le bassiste extraordinaire que l'on connaît.
Ussam avait quitté son milieu branché bontarien pour aller tenter l'aventure dans les bas-fonds de Brakmar. Là, il fit la connaissance de Hell Vice, appelé "le roi" par ses fans et maitre du bwak'n'trool. Ce fut le début de la décadence pour l'énutrof. Bien avant l'heure, Ussam connaissait une fièvre qui dépassait celle de l'or : la fièvre du son. Ussam rejoignit le groupe de Hell Vice, martelant les quatre cordes en boyau de dragodinde de sa contrebasse. Durant des années, il prit son pied, puis Hell Vice grossit, se mit à prendre de l'eupeoh pour bouloute, se couvrit d'une épaisse couche de laine, avant d'exploser comme un tofu bombe. Peiné, Ussam enveloppa sa contrebasse, la remisa chez un ami et partit vers les montagnes du Nez Pale, là ou les bonzes koalaks dispensent leur sagesse. Il faut dire que c'était la grande mode à l'époque pour les musiciens en mal-être.
Hélas pour Ussam, son sens de l'orientation était loin d'égaler ses dons musicaux ou ses talents de chercheur de trésors. Arrivé à l'embranchement de la nationale 4 et de la départementale 37 bis (tourner à gauche et puis tout droit), il fila droit à l'est au lieu de prendre vers le nord... Il se retrouva dans un marais hostile peuplé de crocodailles vêtus de cuir noir et cloutés comme des planches de fakir. Et le pire était à venir. Ayant évité tant bien que mal les habitants du cru, Ussam se fit piquer par un moskito mutant et connut les joies de la chtouille des marais, aussi connue sous le nom de gratouille palustre ou encore chez les bworks sous le sobriquet de "gratgrat du marékipu". Cette maladie force sa victime a gratter violemment ce qu'il a sous la main, sinon, une fièvre intense le dévore et seule une danse vaudou peut calmer la crise avant qu'il soit trop tard... Bref, c'est pas la joie.
Ussam gisait inconscient et délirant, semble-t-il promis à une mort lente et bien douloureuse, quand un crocodaille, un de ces reptiles hirsutes et cloutés, vit le petit bonhomme le nez dans la vase...
"Bordel, mais c'est le bassiste du grand Hell Vice!!!" s'écria le saurien. "Hééé mec, réveille toi... t'es pas bien ou quoi?"
"Wababedoula belape Bame Boule" délira Ussam.
C'était grave, il restait vraiment peu de temps. Le croco chargea Ussam sur son dos et l'emmena dans son village "Crocodaille Roks". La tribu crocodaille en entier se mit alors à danser au son sauvage de la harpe et des percussions. Une folle cérémonie de harp'rok vaudou qui n'épargnait ni les oreilles ni les cordes vocales. La fièvre d'Ussam d'Yssoire venait de tomber et son amour de la musique venait encore de monter d'un cran. En signe de reconnaissance, il offrit à son ami crocodaille une barbe postiche identique à la sienne, il se mirent à écrire des tas de titres ensemble : "Stère, ouais, tout event", "Aie, ouais, tout elle" ou encore "See you later Alligator". Il leur fallait un nom, une bestiole ridicule le leur fournit volontiers : le groupe s'appellerait Zizi d'taupes.